Déposée mardi à l'Assemblée nationale, une proposition de loi (PPL) - en trois articles - du député Erwan BALANANT (Dem, Finistère) vise à renforcer l'effectivité des droits voisins de la presse.
La PPL a été renvoyée à la commission des Affaires culturelles et de l'Education.
M. BALANANT reprend la proposition de loi déposée par l'ancien député (Dem) de la Haute Garonne Laurent ESQUENET-GOXES lors de la précédente législature visant à renforcer la procédure de négociation des droits voisins pour faire face à la mauvaise foi des acteurs numériques (cf. CP du 15/02/2024).
L'article 1er propose d'établir une liste des éléments devant obligatoirement faire l'objet d'une transmission des plateformes vers les acteurs du monde de la presse
"Presque six ans après sa promulgation, force est de constater que son bilan n'est pas à la hauteur des enjeux poursuivis", juge M. Erwan BALANANT, citant les quatre décisions rendues par l'Autorité de la concurrence à l'égard de Google en quatre ans sur un même dossier dont la dernière "amende d'un montant de 250 millions d'euros, pour le non respect de certains de ses engagements pris en juin 2022".
"Nous ne pouvons le nier, nous faisons donc toujours face à un transfert massif de la valeur créée par la presse vers les grandes plateformes du numérique. Les éditeurs et agences de presse sont donc quasiment systématiquement contraints de poursuivre en justice les plateformes pour négocier avec elles les droits voisins, en raison de leur manque de loyauté à cet égard", affirme-t-il, estimant que "cette judiciarisation de la procédure de négociation est bien souvent longue, chronophage, et à l'issue incertaine pour les éditeurs et agences de presse dont la survie dépend parfois de ces revenus".
"Face à ce constat et la nécessité de promouvoir et défendre une information pluraliste, nous ne pouvons rester sans agir. Pour les éditeurs et agences de presse, ces droits voisins doivent représenter une manne financière de plusieurs millions d'euros par an", poursuit le député, qui perçoit une "confusion qui règne sur les informations et les données devant être transmises, et conduit à ce que les plateformes ne transmettent que des éléments très partiels ou indéchiffrables".
"Pour faire face à la confusion entretenue par les entreprises du numérique qui usent et abusent de la rétention d'information", l'article 1er vise donc à renforcer la procédure de négociation des droits voisins.
Ainsi, il propose qu'après consultation des éditeurs, agences de presse et services de communication au public en ligne concernés, le gouvernement établisse par décret une liste des éléments devant obligatoirement faire l'objet d'une transmission des plateformes vers les acteurs du monde de la presse. Cet article inscrit ensuite dans la loi un délai maximum de six mois pour la transmission de ces informations, sous peine pour l'entreprise de se voir imposer une amende pouvant aller jusqu'à 2 % de son chiffre d'affaires mondial.
Il créée par ailleurs une procédure de médiation par l'Autorité française de la concurrence en cas d'absence de conclusion d'un accord dans un délai d'un an à compter de l'ouverture des négociations. Si aucune issue n'est trouvée, l'Autorité de la concurrence sera habilitée à déterminer elle‑même les conditions de rémunération. Cette procédure s'inspire du mécanisme créé par la loi de transposition de 2019 en cas d'échec des négociations entre un journaliste et un éditeur ou agence de presse pour la répartition de la rémunération des droits voisins.
Enfin, il introduit dans le Code de la propriété intellectuelle une obligation de traitement non discriminatoire de l'affichage des contenus des ayants‑droits pendant la durée des négociations. Cette obligation est constituée sur le modèle du troisième engagement de Google annexé à la décision de l'Autorité de la concurrence n° 22-D-13 du 21 juin 2022 relative à des pratiques mises en œuvre par la plateforme dans le secteur de la presse.
L'article 2 vise à renforcer le caractère dissuasif des amendes en précisant que ces dernières sont sans préjudice de l'application des règles du droit de la concurrence prévues aux articles L. 420-1 du Code de commerce.
"Même si cela ne peut être l'objet de cette proposition de loi en raison des règles établies par la loi organique relative aux lois de finances", M. BALANANT explique dans son exposé des motifs qu'"il doit être créé dans la prochaine loi de finances un compte d'affectation spéciale des sanctions prononcées par l'Autorité de la concurrence en application du droit voisin des agences de presse et des éditeurs de presse institué par la loi du 24 juillet 2019". Le compte d'affectation permettra de "verser ces amendes vers les crédits dédiés au budget des aides à la presse du ministère de la Culture, selon une ventilation qui tient compte tant des objectifs des droits voisins de rééquilibrage du partage de la valeur créée par la presse sur le digital que des crises structurelles auxquelles le secteur est confronté en raison de la transformation des usages", est-il précisé.