Huit semaines après les élections législatives, le président de la République Emmanuel MACRON a poursuivi hier ses consultations en vue de trouver un nouveau Premier ministre, recevant notamment l'ancien Premier ministre Bernard CAZENEUVE et l'ancien ministre Xavier BERTRAND, mais son entourage n'excluait pas qu'une troisième personnalité puisse être finalement choisie, prolongeant l'incertitude qui règne depuis plusieurs semaines sur le choix présidentiel (initialement attendu à la mi-août).
"L'idée générale est de regarder si les hypothèses CAZENEUVE et BERTRAND sont viables au regard du critère de stabilité", résumait hier un proche du président de la République, qui a précisément refusé de désigner la candidate du NFP Lucie CASTETS au nom de la "stabilité institutionnelle". Mais il "peut bien sûr avoir d'autres noms en tête", ajoutait le proche du chef de l'Etat. De fait, face au risque élevé de censure encouru tant par M. CAZENEUVE que par M. BERTRAND, loin de faire l'unanimité (notamment dans leur propre camp politique), M. MACRON pourrait choisir d'envoyer à Matignon un profil plus technique. Ainsi, le nom du président du Conseil économique, social et environnemental (Cese), M. Thierry BEAUDET, ancien responsable mutualiste, commençait à circuler dans cette hypothèse. Le chef de l'Etat a déjà échangé avec lui dans le cadre de ses précédentes discussions institutionnelles, a fait savoir son entourage.
"C'est une option très sérieuse", assure un proche du chef de l'Etat qui connaît "très bien" ce représentant de la société civile et évoque des "indices sérieux" en faveur de sa nomination à Matignon. "C'est une réponse solide et nouvelle à ce besoin de dialogue dans la société, en particulier avec les forces sociales", plaide-t-il notamment alors que le Cese,"troisième chambre" de la République après l'Assemblée et le Sénat, est notamment chargé de faire vivre la démocratie participative.
Né en avril 1962, titulaire d'un diplôme d'études supérieures de management économique et social et d'un master de gouvernance mutualiste, M. Thierry BEAUDET fut instituteur de 1984 à 1990. Secrétaire général, puis directeur de la Fédération des œuvres laïques de l'Orne (1991-1998), il fut ensuite directeur adjoint de la section Calvados (1998-2003), délégué national chargé du développement et des partenariats (2005-2009), puis président (2009-2017) de la Mutuelle générale de l'éducation nationale (MGEN). Président du groupe ISTYA à partir de 2011, il fut président du groupe VYV (groupe mutualiste de protection sociale issu du rapprochement de la MGEN, d'Istya et d'Harmonie Mutuelle) de 2017 à 2021. Nommé en 2009 administrateur de la Fédération nationale de la Mutualité française, il en fut le président de juin 2016 à octobre 2021. Membre du conseil économique, social et environnemental de 2010 à 2016, il présida le groupe de la Mutualité. A nouveau désigné membre du Conseil économique, social et environnemental en décembre 2020, M. Thierry BEAUDET préside cette assemblée constitutionnelle depuis mai 2021. Il préside parallèlement, depuis juillet 2022, l'Union des conseils économiques et sociaux et institutions similaires francophones (UCESIF).
Sous sa mandature, le Cese, devenu avec la loi du 15 janvier 2021 la "chambre des conventions citoyennes", a gagné en notoriété. Mais ce "discret", proche de l'ancien secrétaire général de la CFDT Laurent BERGER comme de l'ancien président de l'Assemblée nationale Richard FERRAND, n'a toutefois pas réussi à sortir l'institution de l'ombre.
Adepte du dialogue et du consensus, mais sans expérience politique de terrain et peu connu du grand public, M. Thierry BEAUDET a critiqué fin juin la dissolution de l'Assemblée nationale et l'organisation d'élections législatives anticipées : il avait affirmé ne pas avoir "compris" cette décision du président qui plongeait la France "dans une crise politique et démocratique sans précédent". Sur le plan politique, il a aussi adopté des positions tranchées en faveur de l'euthanasie ou contre la loi immigration - allant jusqu'à manifester le 21 janvier au Trocadéro.
Interrogé par "La Tribune" fin juin, M. BEAUDET avait déploré la décision présidentielle de dissoudre l'Assemblée nationale, qui "plonge la France dans une crise politique et démocratique sans précédent". "En trois semaines, aucune formation politique ne peut écouter les souffrances et les aspirations citoyennes, en déduire un projet solide, le confronter à ceux de ses rivaux, le verser dans le débat public, composer une liste de 577 candidats sérieux et préparés", avait-il estimé. Et ce d'autant plus que selon lui, le résultat des élections européennes, comme des précédentes élections, est venu "sanctionner une démocratie qui ne s'attache pas suffisamment aux questions qui font le quotidien des Français, et donne l'impression de ne s'adresser à eux qu'à l'approche des scrutins". "La sphère politique s'est gravement éloignée de la sphère sociétale, le citoyen éprouve le sentiment d'être "réduit" à sa condition d'électeur. La démocratie s'épuise, l'action publique est dans l'impasse. Or c'est au contraire dans l'intervalle entre les élections qu'elle doit être active, stimulée, pratiquée, afin que les citoyens se sentent à la fois écoutés et acteurs", avait plaidé M. BEAUDET. Il avait par ailleurs indiqué ne pas vouloir "prendre le risque de tester grandeur nature" l'accession du RN au pouvoir, soulignant que dans cette hypothèse, le CESE était "possiblement" menacée de disparition.
Le 11 juin dernier, lors de la première séance de questions de la Société civile au gouvernement, en amont du Conseil européen des 27 et 28 juin, M. BEAUDET, avait réitéré ses craintes. "Avec les résultats enregistrés, nous pourrions, nous Français, nous retrouver face à un véritable paradoxe à Strasbourg et à Bruxelles : alors que les idées d'inspiration française, comme la défense européenne, une politique commerciale plus défensive, une augmentation du budget, une autonomie stratégique, semblent pouvoir prospérer, la délégation parlementaire française sera sans doute moins capable de les relayer politiquement que lors de la mandature écoulée" avait-il déclaré, avant de s'en prendre de nouveau vivement au RN.
"Nous mesurons que les élections qui s'annoncent ne sont pas des élections ordinaires. Les prédécesseurs des partis d'extrême droite qui sont aujourd'hui au plus haut ont historiquement combattu la démocratie parlementaire. Le racisme, l'antisémitisme, le sexisme, la haine de l'autre qu'ils ont professé le plus souvent ne sont pas des opinions comme les autres" avait poursuivi M BEAUDET, ajoutant : "Ce qui pourrait menacer en France, il n'est pas besoin de l'imaginer, nous l'avons sous nos yeux en Italie, en Hongrie ou en Inde, nous l'avons eu sous nos yeux aux Etats-Unis, en Pologne ou au Brésil. Ce qui pourrait menacer, c'est une possible dérive vers une démocratie illibérale, où l'Etat de droit, les contre-pouvoirs, les droits fondamentaux, le pluralisme sont tenus pour des obstacles à l'expression d'un peuple qu'on imagine d'un seul bloc, unanime, où les autorités indépendantes, les corps intermédiaires, les organisations professionnelles, les syndicats, les associations sont d'emblée suspects, où une assemblée comme le CESE ne serait pas la bienvenue dans cet univers de pensée".
Elargissant son propos, le président de la 3ème Assemblée constitutionnelle a souhaité, "quelles que soient (les) appartenances politiques (...) faire comprendre que parfois la démocratie est pour elle-même son pire ennemi, faire comprendre que céder sur des principes, c'est ouvrir une porte dont personne ne sait si elle sera refermée", rappelant que les Rencontres européennes organisées au Conseil les 27 et 28 mars derniers "furent l'occasion pour une large majorité d'observateurs de noter que les représentants de l'extrême droite avaient les arguments les moins étayés et les réponses les moins convaincantes".
Dans un livre publié en février 2023, "Repoussons les frontières de la démocratie, irriguer la société, entendre les citoyens intégrer les individus", (cf. BQ du 17/02/2023), M. BEAUDET identifiait "trois crises démocratiques majeures" : tout d'abord une "crise de légitimité, parce que (notre modèle démocratique) répond de moins en moins au besoin de représentativité de la société" ; ensuite, une "crise de croissance", car le niveau d'information actuel nécessite de "gagner l'adhésion et la confiance chaque semaine, et non tous les cinq ans", alors que notre démocratie "répond mal aux besoin de participation continue de la société, y compris parmi les abstentionnistes ; enfin, une "crise d'efficacité", car, selon le président du CESE, "tant que les inégalités sociales et les crises écologiques se seront attaquées qu'à la marge et séparément les unes des autres, la confiance en la capacité de notre démocratie à agir ou à se réformer elle-même ne peut que se perdre, tout particulièrement chez les jeunes", ce qui implique de "répondre au besoin de progrès de la société".
"Où donc placer le curseur entre une minorité gouvernante qui ne représente qu'elle-même et un populisme qui ouvre la voie au totalitarisme ?" ; "La démocratie comme mouvement social est une perpétuelle recherche de reconnaissance du plus faible, de l'invisible, de l'opprimé, (...) elle réfère toujours le désordre à l'injustice"", alors que "les avancées décisives viennent souvent de l'action des contre-pouvoirs, à l'exemple des syndicats" poursuivait le président du CESE.
Se montrant méfiant face à "une tentative récurrente (...) d'invoquer l'unité fantasmée d'un peuple ou d'une nation" alors que "cet appel au peuple souverain n'est qu'un nouvel absolutisme quand il a pour effet d'écarter toute autre considération : libertés fondamentales, indépendance de la justice, pluralisme des médias, respect des corps intermédiaires, séparation des pouvoirs", il proposait une piste "plus raisonnable", consistant à "toiletter les règles constitutionnelles, autrement dit de revitaliser la démocratie en démocratisant l'Etat et ses institutions, en "luttant davantage encore contre le cumul des mandats, les conflits d'intérêts, le manque de mixité sociale et de parité, inverser le calendrier électoral pour que la présidentielle n'écrase pas les législatives (...) introduire la proportionnelle", et en "allant plus loin", il "serait possible de recourir bien davantage à la démocratie directe sous la forme du référendum".
Pour le président du CESE, "il ne suffit pas d'améliorer la légitimité des élus (...) il faut créer de nouvelles légitimités et les articuler". En effet, la démocratie doit "devenir forte et représentative de ses propres intérêts, signifier une volonté de vivre ensemble, une capacité d'auto-organisation, de production d'idées et de compromis nouveaux".
"La démocratie représentative conserve tous ses mérites institutionnels, et c'est au Parlement et au gouvernement que revient le dernier mot, mais le chaînage démocratique ne peut se réduire à ces derniers maillons" poursuivait le président du CESE, avant de préciser sa vision de la démocratie participative.
Cette dernière "présente deux aspects à la fois distincts et complémentaires : un volet proprement participatif et un volet délibératif. Le premier consiste à inclure le maximum de citoyens ou de publics diversifiés autour d'un thème de réflexion, (pour) recueillir les avis ou les revendications", le second volet "délibératif, consiste à sélectionner un panel citoyen et à l'accompagner dans une réflexion qui peut prendre plusieurs mois avant de livrer des conclusions ou des recommandations, c'est la logique de la convention citoyenne pour le climat".
Le président du CESE évoquait cependant trois risques : celui de la "captation d'un débat par des minorités actives, quel que soit le sujet", l'antidote "étant le tirage au sort de citoyens, qui aboutit à un échantillon non pas strictement représentatif, mais proche de la société française"" ; "la tentative de diversion par le pouvoir politique" ensuite et enfin "la confusion" la "participation citoyenne ne pouvant se tenir dans un contexte militant, où dominent des prises de position classiques".
Chez les partenaires sociaux, cette option est accueillie avec une bienveillance teintée de prudence. "Ça peut être une bonne surprise", veut croire M. François HOMMERIL, président de la CFE-CGC, notant qu'il "sait par expérience que la société est complexe". A l'Unsa, M. Laurent ESCURE salue "son goût pour la synthèse et l'intérêt général", tandis que le président de la CPME François ASSELIN évoque "quelqu'un de consensuel" issu "d'une culture de centre-gauche". A la tête du Cese depuis 2021, M. BAUDET a notamment supervisé la Convention citoyenne sur la fin de vie voulue par M. Emmanuel MACRON. Mais, relève M. ASSELIN, s'il accède à Matignon, il devra "manier l'art du dissensus et peut-être moins du consensus, parce qu'on est dans une situation où il va falloir trancher".
Dans l'hypothèse où M. BEAUDET entrerait à Matignon, M. Xavier BERTRAND pourrait se voir confier Bercy, avec le rang de ministre d'Etat. De grands élus pourraient aussi faire partie du gouvernement, notamment le maire (LR) de Cannes et président de l'Association des maires de France David LISNARD et le maire (PS) de Rouen Nicolas MAYER-ROSSIGNOL, Premier secrétaire délégué du PS, notoirement opposé à M. Oliver FAURE et à tout accord de son parti avec LFI. Selon "Le Monde", M. Bernard GAUME, ENA, préfet de la région Hauts-de-France, préfet de la zone de défense et de sécurité Nord, préfet du Nord, ancien directeur de cabinet de M. Benoît HAMON puis de Mme Najat VALLAUD-BELKACEM au ministère de l'Education nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, serait par ailleurs pressenti pour prendre la direction du cabinet de M. BEAUDET. Notons par ailleurs que l'ancien directeur du cabinet de M. Thierry BEAUDET à la présidence du CESE, M. Grégory GUILLAUME, a rejoint le cabinet de M. Gabriel ATTAL à Matignon en février dernier, comme conseiller "politique et société civile".
Mais M. BEAUDET, qui n'a jamais exercé de fonctions politiques stricto sensu, n'a pas de base ou d'appuis politiques au sein de l'Assemblée nationale et ne correspond pas au profil politique maitrisant le fonctionnement du Parlement que recherchait le Chef de l'Etat. Cela aurait été souligné par plusieurs interlocuteurs reçus hier par M. MACRON et notamment par les anciens présidents. Selon certains, l'hypothèse BEAUDET semblait hier soir remise en question.
Le RN, qui s'était montré relativement conciliant en évoquant la nomination de M. Bernard CAZENEUVE, s'est montré très vif dès hier. "Peut-on imaginer plus grotesque caricature du système que le président du CESE", a ainsi déclaré M. Jean-Philippe TANGUY, député de la Somme.
Poursuite des consultations à l'Elysée
Ouvrant dans la matinée le bal des consultations, présentées comme les dernières avant l'annonce du nom du nouveau Premier ministre, M. Bernard CAZENEUVE est resté une heure quinze à l'Elysée, raccompagné jusqu'au vestibule par M. MACRON, qui lui a fait la bise avant qu'il ne s'engouffre dans sa voiture. Le président de la République et l'ancien Premier ministre socialiste se connaissent bien et entretenaient des relations confiantes au début de la présidence de M. François HOLLANDE. Ce dernier a d'ailleurs été reçu dans la foulée par le chef de l'Etat, avant son prédécesseur Nicolas SARKOZY qui plaide, lui, pour un Premier ministre de droite.
Un temps privilégiée, l'option Cazeneuve semble avoir perdu en crédibilité dans les dernières heures. Le Premier secrétaire du PS Olivier FAURE s'est montré hier matin très réservé sur cette hypothèse. "Je ne sais pas au nom de quoi Bernard CAZENEUVE va aller parler avec le chef de l'Etat", a-t-il lâché sur BFMTV et RMC en jugeant que l'ancien Premier ministre socialiste risquait d'être "en réalité prisonnier" d'une "coalition" qui veut le porter au gouvernement "alors même qu'il n'a pas obtenu ni même cherché le soutien du Front populaire", pourtant arrivé en tête des élections législatives. M. FAURE a toutefois concédé qu'il était prêt à y "réfléchir" si M. CAZENEUVE obtenait "l'abrogation" de la réforme des retraites. Mais "pour l'instant, je ne sais pas ce que dit Bernard CAZENEUVE (...), si c'est un gel, une suspension ou une abrogation", a-t-il souligné, alors que la gauche fait notamment de cette question un point dur des négociations. M. CAZENEUVE "appartient à l'ancien monde du hollandisme dont nous voulons tourner la page", a sans surprise répété de son côté la présidente du groupe LFI à l'Assemblée nationale, Mme Mathilde PANOT sur France 2.
A droite, M. Xavier BERTRAND, ancien ministre, président du Conseil régional des Hauts-de-France, a été reçu à 15h30. Il n'a pas caché que la fonction l'intéressait et M. SARKOZY avait jugé vendredi qu'il représenterait "un bon choix". Mais ce tenant d'une droite gaulliste et sociale n'a pas l'appui des dirigeants de son camp, à commencer par le président du groupe LDR à l'Assemblée nationale Laurent WAUQUIEZ, qui refuse toute coalition ou participation au futur gouvernement afin de se préserver en vue de 2027.
En tout état de cause, pour le député (RN) de la Somme Jean-Philippe TANGUY, aucun de ces deux profils ne convient. MM. CAZENEUVE et BERTRAND "sont des macronistes plus ou moins défroqués", a-t-il résumé sur TF1 en précisant que si le parti de Mme Marine LE PEN pourrait ne pas censurer immédiatement le nouveau Premier ministre, il le ferait "sans doute" au moment du budget.
Le président a également reçu en fin d'après-midi le président (LR) du Sénat Gérard LARCHER. Des échanges étaient aussi prévus avec des dirigeants du camp présidentiel, dont le président du MoDem François BAYROU. Voire avec d'autres forces politiques, avant une nomination à Matignon qui pourrait n'intervenir que cet après-midi au plus tôt.
Plusieurs groupes à l'Assemblée nationale appellent à une session extraordinaire
Dénonçant "une situation démocratiquement intenable" plus de huit semaines après les élections législatives, la présidente du groupe Rassemblement national à l'Assemblée nationale Marine LE PEN a envoyé hier une lettre ouverte à ses homologues de l'Assemblée nationale et du Sénat pour demander à nouveau la convocation d'une session extraordinaire du Parlement. Dans sa lettre, publiée sur le réseau social X, elle assortit sa demande d'une invitation à "travailler à un ordre du jour consensuel". Pour sa part, elle appelle à "un débat sur la situation des finances publiques de la France ainsi que celle des finances de la Sécurité sociale" et à l'examen du projet de loi d'approbation des comptes pour l'année 2023 - lequel doit en tout état de cause être voté avant l'examen du budget 2025. "La situation sécuritaire", la présomption de légitime défense pour les forces de l'ordre", "les conditions de la rentrée scolaire et/ou universitaire, la situation de nos céréaliers suite aux mauvaises récoltes mais aussi de nos éleveurs dont les bêtes sont victimes de la fièvre catarrhale ou encore un débat sur la politique de santé ou sur la situation économique" pourraient également figurer à l'ordre du jour du Parlement, a complété Mme LE PEN.
A gauche, après le groupe GDR la semaine dernière, le groupe Ecologiste et social a également plaidé hier pour une session extraordinaire, jugeant que "l'obsession d'Emmanuel MACRON d'assurer la continuité d'une politique rejetée par les Français entraîne le blocage de tout un pays". "Il a précipité le pays dans l'incertitude en prononçant la dissolution, il ne peut plus retarder l'expression de cette nouvelle Assemblée", a-t-il ajouté, rappelant à M. MACRON que "ce n'est pas au Président de la République de se substituer à l'Assemblée nationale".
Rappelons que si une majorité de députés ainsi que la présidente de l'Assemblée nationale peuvent demander la convocation du Parlement en session extraordinaire, cette prérogative revient au seul président de la République, par décret. Dimanche sur France Inter, Mme Yaël BRAUN-PIVET a assuré qu'elle ferait usage de cette possibilité dès la nomination du nouveau chef du gouvernement afin notamment qu'il puisse prononcer sa déclaration de politique générale et que les ministres puissent se soumettre aux traditionnelles "questions au gouvernement" (cf. BQ du 02/09/2024).
La réforme des retraites, enjeu majeur des négociations
Honnie de la gauche et des syndicats, l'emblématique réforme des retraites, qui a repoussé l'âge légal de départ à 64 ans, apparaît comme stratégique dans les négociations visant à désigner le prochain Premier ministre.
Alors que l'hypothèse d'un retour de M. CAZENEUVE à Matignon tenait la corde ces derniers jours, un autre ancien socialiste doutait que le chef de l'Etat concrétise cette nomination. Et pour cause : "Si c'est un Premier ministre de gauche, il va faire l'abrogation des retraites, vous pensez que Macron l'accepterait ?". La mesure lui a déjà beaucoup coûté depuis un an et demi : des mois de crise sociale et politique, une image durablement écornée par le passage en force via un 49.3 à l'Assemblée et un sentiment persistant d'injustice dans l'opinion. Une rancœur exploitée aux élections législatives par le Nouveau Front populaire et le Rassemblement national, qui ont fait de l'abrogation de cette réforme leur première promesse de campagne.
Dans ce contexte, les socialistes se veulent intransigeants sur le dossier. Le Premier secrétaire du PS Olivier FAURE l'a rappelé hier, laissant planer le doute sur sa position tant que M. CAZENEUVE n'a pas clarifié ses intentions sur cette réforme : gel, suspension ou abrogation ? Mais quelques voix dissonantes se font tout de même entendre dans les rangs socialistes, comme celle du député de l'Essonne Jérôme GUEDJ qui "ne parle pas à ce stade d'abroger" pour tenir compte du résultat des urnes. "Comme la gauche n'a pas gagné, on suspend, on gèle et on rediscute avec les partenaires sociaux", a-t-il suggéré dimanche. Une méthode qui pourrait convenir à M. Thierry BEAUDET, rompu aux subtilités du dialogue social au sein du Cese.
Des lignes qui bougent à gauche, mais aussi au centre, où le président du MoDem François BAYROU se dit "persuadé" qu'il est possible de "trouver mieux comme équilibre" et de "rechercher des meilleurs réglages" sur les retraites. Pour autant, cet allié historique de M. MACRON "ne croi(t) pas à la pause", ni au fait que le pays puisse "ne pas avoir une stratégie de rééquilibrage des retraites". Il reste néanmoins convaincu que "si une réforme était justement pensée, justement améliorée, et présentée aux Français avec suffisamment d'esprit de conviction et de justice, alors l'opinion bougerait".
Peut-être aussi la revalorisation d'un million de petites pensions, qui interviendra "au plus tard en octobre" et avec "rattrapage" des douze derniers mois, sera-t-elle de nature à arrondir les angles. "L'abrogation serait quelque chose de très néfaste", souligne ainsi la présidente (EPR) de l'Assemblée nationale Yaël BRAUN-PIVET. "Demandez aux Français qui bénéficient de cette réforme (...), je pense qu'ils le prendraient d'une très mauvaise manière", ajoute-t-elle. "Il convient de garder ce que nous avons fait", insiste la présidente de l'Assemblée nationale, qui toutefois "ne ferme pas la porte" à des aménagements et se dit même "très favorable" à ce que l'on "rediscute un certain nombre de points" comme la pénibilité ou les inégalités femmes-hommes.
Alors jusqu'où lâcher du lest ? L'équation budgétaire reste délicate, avec un déficit du système toujours attendu à 0,4 point de PIB (soit plus de dix milliards d'euros) en 2030, selon le Conseil d'orientation des retraites. Et plus globalement, en tenant compte de la procédure pour "déficit excessif" lancée par Bruxelles fin juillet. Contexte qui compte beaucoup aux yeux de l'ancien Premier ministre Edouard PHILIPPE et de son parti Horizons, mais aussi de la Droite républicaine de M. Laurent WAUQUIEZ, avec lesquels le futur gouvernement devra également composer.