"Je ne me présenterai pas à un troisième mandat. C'est une décision que j'ai prise depuis longtemps", a déclaré hier la maire (PS) de Paris Anne HIDALGO dans un entretien au "Monde", mettant fin au suspens (quoique très limité) sur son éventuelle candidature aux élections municipales de 2026, pour lesquelles elle souhaite la victoire du sénateur (PS) de Paris Rémi FERAUD, président du groupe majoritaire "Paris en Commun" au Conseil de Paris depuis 2024.
"Je me suis toujours inscrite dans l'idée que deux mandats étaient suffisants pour mener à bien de profonds changements", explique la maire sortante, dont le second mandat aura été marqué par le succès populaire des Jeux Olympiques l'été dernier, mais aussi par de vives critiques sur la dette ou ses choix d'aménagement pérennisant le recul de l'espace dédié à l'automobile dans la capitale au profit des piétons et des cyclistes. En attendant, elle promet d'être "maire jusqu'au dernier jour, avec la même énergie que depuis le début", souhaitant que "ces quinze mois soient mis à profit pour achever ce que l'on a à faire sans freiner dans la lutte contre le dérèglement climatique".
"Par respect pour les Parisiens, je voulais l'annoncer suffisamment tôt et à un moment qui permette de préparer une transmission sereine pour accompagner une équipe, en l'occurrence portée par Rémi FERAUD. Je le connais bien, je l'apprécie depuis très longtemps ; il est celui qui va pouvoir porter notre histoire et réinventer un avenir pour Paris. Il a la solidité, le sérieux et la capacité de rassemblement nécessaires", a ajouté Mme HIDALGO, tout en prenant soin de préciser qu'il s'agit là simplement d'une "indication" de sa part et que "ce sera aux militants socialistes parisiens d'en décider".
De fait, le député (PS) de Paris Emmanuel GREGOIRE, conseiller du XIIème arrondissement et ancien premier secrétaire de la fédération PS de Paris, longtemps été vu comme le dauphin incontestable de Mme HIDALGO dont il fut le premier adjoint de 2018 à 2020, a annoncé la semaine dernière sa volonté d'être candidat aux élections municipales de 2026 pour "apaiser les tensions" tout en poursuivant "les indispensables transformations" (cf. BQ du 20/11/2024). Celui qui a infligé une cinglante défaite à l'ancien ministre (Renaissance) Clément BEAUNE, en remportant la 7ème circonscription de Paris avec 50,87 % des voix dès le premier tour en juin dernier, a déjà reçu le soutien de 450 militants de la fédération socialiste parisienne. Il organisait hier soir un premier rassemblement autour de sa candidature. "Le moment est, je crois, venu de porter une nouvelle histoire pour Paris, une nouvelle proposition, un nouveau projet", a-t-il affirmé la semaine dernière, misant sur "une attente de renouvellement" de la part des parisiens.
"Emmanuel GREGOIRE a fait le choix de partir à l'Assemblée nationale pour porter le combat contre l'extrême droite : il y aura vraisemblablement une dissolution d'ici la fin 2025. On ne peut pas être candidat à tout", a commenté sèchement Mme HIDALGO. "Rémi est candidat pour un rassemblement de la gauche et a vocation à devenir le prochain maire de Paris (…). J'espère, et je souhaite, que les écologistes et les communistes se rallieront à sa candidature dès le premier tour des municipales. Quant à La France insoumise, nous ne sommes pas du tout dans le même registre de valeurs et leur proposition récente d'abroger la loi sur l'apologie du terrorisme le montre bien", ajoute l'édile, dont les relations avec LFI ont toujours été difficiles.
Guerre de succession en vue
Sa succession s'annonce tout sauf sereine. "Je ne suis pas d'accord avec Emmanuel GREGOIRE quand il dit qu'il faut changer de récit. Au contraire, il faut le prolonger pour que l'histoire de la gauche à Paris puisse se poursuivre", estime M. FERAUD, qui a reçu hier le soutien de la Première secrétaire de la fédération parisienne Lamia EL AARAJE, adjointe à l'urbanisme en charge de "Paris 2030", qui a salué "l'acte démocratique" effectué par Mme HIDALGO.
Les militants écologistes de Paris ont de leur côté exprimé le souhait d'une union pour les municipales, a confié M. David BELLIARD, adjoint (Ecologiste) chargé des transports. "Une petite révolution pour nous qui avons toujours préféré présenter une liste autonome au premier tour", souligne l'ancien candidat EELV aux électons municipales de 2020. Chez les communistes parisiens, qui font partie comme les écologistes de la majorité municipale, le sénateur de Paris Ian BROSSAT a fait savoir la semaine dernière qu'il était un "candidat possible".
Dans l'opposition municipale, la lutte s'annonce également acharnée. La ministre de la Culture et maire LR du VIIe arrondissement Rachida DATI ne cache pas ses ambitions pour 2026, malgré sa mise en examen pour corruption dans un volet de l'affaire Carlos GHOSN. Le président de la fédération départementale de Renaissance Sylvain MAILLARD a répété la semaine dernière qu'elle pourrait être "une très bonne candidate" de la droite et du centre. "On veut une alternance", a affirmé M. MAILLARD, en précisant que le candidat de Renaissance serait choisi "au premier semestre 2025". Mme DATI a néanmoins perdu du poids politique depuis que son groupe "Changer Paris" a été rétrogradé en deuxième position au sein de l'opposition, après s'être vidé cet été de la moitié de ses élus au profit du groupe "Union capitale", dont le co-président Pierre-Yves BOURNAZEL, ancien député (Horizons) de Paris, est aussi un "candidat possible" (cf. BQ du 18/07/2024). Tout cela sans compter les ambitions de l'ancien Premier ministre Gabriel ATTAL, qui s'apprête à prendre la tête du parti présidentiel Renaissance. Selon un sondage Ipsos publié la semaine dernière dans "Le Parisien", ce dernier arrive en tête des candidats probables avec 42 % d'opinions favorables, suivi de près par Mme DATI à 39 %. Mme Anne HIDALGO recueille 28 % et M. GREGOIRE arrive en quatrième position avec 16 %.
Vers "l'émergence d'une force sociale démocrate et écologiste" menée par M. Raphaël GLUCKSMANN dans la perspective de 2027
Interrogée sur ses futurs projets, Mme HIDALGO précise s'il en était besoin qu'elle n'est "pas du tout candidate" à la prochaine élections présidentielle, elle qui avait enregistré le pire score de l'histoire du PS à ce scrutin (1,74 %) en 2022. Mais elle ajoute qu'elle entend bien "continuer à faire de la politique, en aidant à l'émergence d'une force sociale démocrate et écologiste" avec le Parti socialiste ("c'est toujours mon parti", prend-elle soin de préciser), mais aussi avec M. Raphaël GLUCKSMANN, tête de liste du PS aux dernières élections européennes, qui selon elle "peut vraiment prendre le leadership de cette force-là". "En parallèle, je continuerai à m'investir sur les questions de justice climatique, à l'échelle nationale et internationale", indique Mme HIDALGO qui, selon "Le Canard Enchaîné", pourrait prendre la tête de la fondation Bloomberg à Bruxelles (ce qu'elle a toutefois démenti). Peut-être dévoilera-t-elle davantage ses intentions dans son prochain ouvrage intitulé "Mon pari politique", à paraître le 12 mars aux éditions de l'Observatoire ?
Plus largement, elle estime que le prochain Congrès du PS, prévu en 2025, doit aboutir à ce que le parti "redevienne une grande force démocratique", exhortant le Premier secrétaire Olivier FAURE à "passer la main" comme elle le fait elle-même. "Le parti est très affaibli, mais il doit mieux exprimer ce que les gens ont envie de le voir porter politiquement. Si l'on a fait un très bon score aux européennes, c'est grâce à ce qu'incarne Raphaël GLUCKSMANN", insiste-t-elle, à savoir : porter une ligne clairement indépendante de LFI.
Dans ce contexte, elle se prononce contre une candidature unique de la gauche en 2027, comme le souhaite notamment M. FAURE. "S'il n'y a qu'une seule candidature à gauche, ce sera celle de Jean-Luc MELENCHON. Il se représentera quoi qu'il arrive et la gauche perdra", met-elle en garde. "La gauche a souvent gagné en ayant plusieurs candidatures au niveau local ou national", rappelle-t-elle, estimant que "l'union est fondamentale, mais pas sur des faux-semblants et de la soumission". "Il faut aller vers l'émergence d'une force qui soit sociale-démocrate, écologiste et humaniste, qui s'enracine dans le pays et embarque un maximum de citoyens. Le Nouveau Front populaire a été très utile pour lutter contre l'extrême droite, mais ce ne sont pas trois ou quatre personnes dans un bureau qui vont nous expliquer comment on va gagner", conclut Mme HIDALGO.