"ROCARD, l'enchanteur désenchanté", par M. Jean-Michel DJIAN (Le Cherche-midi).

Deux ans avant sa mort en 2016, Michel ROCARD rédige un texte testamentaire intitulé "J'irai dormir en Corse" ; quelques pages d'une désarmante sincérité, destinées à tirer les enseignements d'une vie,

crier sa colère contre l'aveuglement des puissants, déclarer son amour pour sa femme Sylvie et pour l'île de Beauté où il souhaite se faire inhumer. Grâce à la découverte de documents plus politiques et

personnels (notamment ses carnets de scout rédigés pendant la guerre) et aux confidences recueillies du temps de leur complicité, M. Jean-Michel DJIAN, rédacteur en chef de France Culture Papiers,

révèle ici un Rocard méconnu, esseulé et farouchement déterminé à pratiquer son "parler vrai". Un universaliste engagé qui en veut à tous ceux qui, au sommet de l'Etat ou dans les médias, ne cherchent plus à comprendre la complexité du monde ni à agir au nom de l'intérêt supérieur de l'humanité. Ce portrait, d'une grande finesse, est celui d'un "enchanteur désenchanté", fatigué, à l'entame du troisième millénaire, de pratiquer un "métier de sauvage", mais qui force aujourd'hui encore l'admiration pour ses pensées visionnaires et son intégrité.

C'est en 1994, après l'échec aux élections européennes, que l'auteur rencontre Michel ROCARD, dont elle a partagé les vingt dernières années de vie. Ses souvenirs de l'ancien Premier ministre, disparu le 2 juillet 2016, dépeignent un homme hyperactif et concentré, curieux de tout, combatif et secret, sensible aux honneurs. Elle se raconte et raconte les dîners avec Raymond BARRE ou M. François BAYROU, qui démontrent que l'éminent socialiste n'avait pas attendu ce quinquennat pour être "en même temps". Mme Sylvie ROCARD, administratrice de la Fondation Brigitte Bardot, ancienne directrice générale de la Géode, se souvient de nombreuses rencontres avec un certain Emmanuel MACRON, tout juste arrivé à Paris pour rejoindre la commission Attali. LesROCARD seront les seuls représentants du monde politique au mariage du couple pas encore présidentiel en 2007.

A la demande du Commissaire général à l'investissement, M. Louis SCHWEITZER, MM. Michel ROCARD, ancien Premier ministre, inspecteur général des finances honoraire, ambassadeur chargé de la négociation internationale pour les pôles Arctique et Antarctique, et Alain JUPPE, ancien Premier ministre, inspecteur des finances honoraire, maire (UMP) de Bordeaux, membre de la direction transitoire collégiale de l'UMP, ont accepté de poursuivre leur mandat à la coprésidence du comité de surveillance du Programme d'investissement d'avenir (PIA), qui est chargé d'évaluer le Programme d'investissements d'avenir et de dresser un bilan annuel de son exécution.

Les deux anciens chefs de gouvernement avaient décidé de démissionner de leurs fonctions de co-présidents en avril. Dans une lettre adressée au Premier ministre Manuel VALLS, ils regrettaient la décision de confier au ministre de l'Economie Arnaud MONTEBOURG ce programme jusqu'ici placé sous l'autorité directe de Matignon. Ce changement de tutelle officialisé dans le cadre de la publication des décrets d'attribution des membres du gouvernement, s'il répond à un "souci de cohérence", "pose quelques problèmes collatéraux graves" dont "la solution ne paraît pas pouvoir relever d'un ministre" seul, écrivaient-ils. Ils soulignaient ainsi que le PIA "possède une forte dimension interministérielle" dépassant le seul cadre de Bercy. Par ailleurs, ils rappelaient que le Programme a un "caractère extrabudgétaire". S''il est sous la tutelle du seul ministre de l'Economie, ce dernier "sera beaucoup plus soumis que ne l'est le Premier ministre à la pression de ses collègues" pour puiser dans les deniers du PIA afin de compenser des mesures de réduction de la dépense publique au détriment de tel ou tel ministère. Enfin, ils soulignaient la dimension européenne du nombre de projets menés sous l'égide du PIA, laquelle rend nécessaire selon eux une "pérennité" vis-à-vis des partenaires européens, qui ne serait plus garantie à la suite de ce changement de tutelle.

A LIRE

"En s'intéressant à la personnalité de l'ancien Premier ministre socialiste Michel ROCARD, M. Pierre-Emmanuel GUIGO, agrégé d'histoire, doctorant à l'Institut d'études politiques de Paris, démontre qu'il fut certainement l'un des premiers hommes politiques, tout particulièrement à gauche, à comprendre l'importance des médias et des sondages et à soigner sa communication dès ses débuts. Sa communication des plus originales, s'appuyant sur tout un panel de techniques alors en gestation comme les sondages, les études marketing, le vidéo-training, ainsi que sur un style tranchant avec les discours de ses contemporains, fit de lui un acteur central du jeu politique des années 1970 et 1980, à tel point qu'il devint un temps l'un des candidats les plus sérieux à l'élection présidentielle de 1981. Mais cette histoire est aussi celle d'un échec... qui nous rappelle que la communication ne fait pas tout. S'appuyant sur de nombreuses archives, sur un large panel d'interventions de M. ROCARD dans les médias, l'historien a voulu ici restituer une époque qui apparaît à la fois comme lointaine par les balbutiements et certaines erreurs - le célèbre appel de Conflans-Sainte-Honorine est encore aujourd'hui étudié comme exemple à ne pas suivre dans les écoles de communication - et comme proche de nous par la modernité des techniques mises en euvre. Précisons que cet ouvrage a reçu le Prix de la Fondation Jean Jaurès, le Prix d'encouragement de l'Inathèque et la 5ème prix d'encouragement de l'Institut François Mitterrand".