Dans son projet stratégique "Cultiver la confiance dans un monde de défiance", Mme Marie-Christine SARAGOSSE, présidente-directrice générale de France Médias Monde, reconduite pour un troisième mandat (cf. CP du12/01/2023), souhaite notamment lancer deux langues étrangères supplémentaires si son budget le permet, continuer à se renforcer sur le numérique, développer la traduction et le sous-titrage de France 24 dans toutes les langues de RFI, ou encore continuer à développer les ressources propres du groupe.
Elle estime aussi indispensable d'avoir une trajectoire budgétaire affectée (pour l'indépendance) mais aussi pérenne et dynamique et complétée par un financement direct par une aide publique au développement.
Dans le cadre de notre Etude documentaire hebdomadaire, nous présentons de larges extraits du projet stratégique de Mme Marie-Christine SARAGOSSE.
Le soulignement est de notre fait
"(...) 2.2 Le numérique un vecteur sans frontières (ou presque...)
2.2.1 / Un groupe déjà très réactif sur les environnements numériques
Au cours des 10 dernières années en dépit de moyens contraints, FMM a développé une stratégie de décloisonnement entre le "broadcast" et le numérique, au sein de ses rédactions et en termes de distribution de ses contenus, convaincu de leur complémentarité et refusant toute logique malthusienne d'éviction de l'un par l'autre, tout particulièrement en raison de la nature de son offre : l'information continue à se consommer en direct et souvent en linéaire quel que soit le support, radio, télévision, numérique.
Le groupe a joué la carte de l'hyperdistribution "raisonnée" (diversifiée et sans négliger ses sites propriétaires) en numérique qui seule était susceptible de lui donner accès aux carrefours d'audience, des jeunes en particulier, dans toutes ses langues (une stratégie propriétaire à l'échelle de la planète aurait été hors de portée financière et probablement contre-productive). Le groupe a parallèlement testé chaque nouveau format ou presque.
Le pari gagnant fait par les médias de FMM aux cours de la dernière décennie a été de privilégier les contenus, leur singularité quel que soit le support de diffusion traditionnel ou numérique, les signatures de chaque média, RFI, France 24 ou MCD devant renvoyer au même univers éditorial de référence. Cette recherche de cohérence de la promesse éditoriale des trois médias s'est accompagnée du développement d'offres 100 % numériques thématiques, reposant de manière transverse sur le savoir-faire des radios et télé du groupe : "Entr" pour les jeunes européens et InfoMigrants.
2.2.2 / La stratégie numérique au ceur des développements à venir
Une stratégie d'hyperdistribution "raisonnée"
Cette approche nous a permis de conquérir un public croissant tant dans nos univers numériques propres (47 millions de visites mensuelles en moyenne en 2021, soit +40 % en quatre ans) auquel il faut veiller, que sur les réseaux sociaux (pour rappel : 2,3 milliards de vidéos et sons consommés en 2021 et 95 millions d'abonnés sur les réseaux sociaux à date, signe de la pertinence de nos formats et contenus). En outre, c'est sur les réseaux sociaux que la lutte contre les infox prend toute son ampleur, tant en français qu'en langues étrangères, et c'est sur ces réseaux qu'il faut aussi porter les grands engagements des médias du groupe : valeurs démocratiques, égalité des femmes et des hommes, lutte contre les discriminations, partage des savoirs et des cultures, francophonie et apprentissage du français, éducation aux médias et à l'information, enjeux du développement durable et du dérèglement climatique.
Ces constats amènent en premier lieu à préconiser la poursuite dans les prochaines années de la stratégie d'hyperdistribution qui a été jusqu'ici celle du groupe, tout en veillant à l'évolution des différentes plateformes où nous sommes présents (Facebook, Twitter, Instagram, YouTube, mais aussi Viber, Whatsapp, Telegram, Vkontakte...) et en étant très vigilants sur l'émergence de nouvelles plateformes. C'est ainsi qu'à travers Culture' et Entr, le groupe a commencé à s'acculturer à TikTok, plateforme que nul média qui s'intéresse aux jeunes ne peut ignorer aujourd'hui, en dépit des réticences que peut susciter sa dépendance aux autorités chinoises. Une expérimentation avec Culture' sera également tentée prochainement sur Twitch. Chaque nouvelle plateforme est porteuse d'une nouvelle grammaire d'utilisation (usages, formats) et demande des effectifs supplémentaires voire des effectifs miroir en termes d'âge avec leurs utilisateurs !
Parallèlement, pour ne pas mettre "tous ses eufs dans le même panier" (stratégie "raisonnée"), FMM renforce l'attractivité de ses sites et applications propriétaires à travers les actions suivantes : accroissement du volume de production numérique, mais aussi investissements marketing, référencement, ou encore amélioration continue des parcours utilisateurs... En outre, avec le temps, la profondeur de catalogue de nos offres propriétaires devient plus importante que sur les plateformes tierces et contribue à l'attractivité pour nos publics et à leur fidélisation.
Des coopérations numériques au sein du service public à développer
On le voit, les médias du groupe sont très engagés pour travailler à des projets pilotes avec les autres médias de service public, comme indiqué avec Culture'. Les podcasts de RFI en français sont mis à disposition des plateformes de Radio France et TV5Monde. Cette démarche pourrait s'élargir aux podcasts de France 24 sur la plateforme Radio France voire à des collections coproduites entre Radio France et RFI. Faire monter en puissance les contenus de France 24 en français (la chaîne en linéaire par exemple) dans l'offre numérique de franceinfo (francetvinfo.fr) est aussi un objectif de FMM. L'onglet "Vrai ou Fake'' du site devrait faire l'objet d'une promotion plus grande et d'une coordination renforcée entre les rédactions. On l'a indiqué également, renforcer la participation à Lumni des rédactions de langues de RFI, MCD et France 24 serait une perspective à travailler.
Toutefois, la nature particulière de l'offre numérique de FMM essentiellement fondée sur de l'information, la dimension multilingue de la stratégie internationale du groupe, la notoriété internationale de ses marques et sa stratégie d'hyperdistribution doivent se poursuivre et s'articuleraient mal avec une plateformisation regroupant de façon exclusive la variété des offres du service public, notamment patrimoniale (avec des usages différents de ceux prévalant en matière d'information), en une seule offre destinée d'abord au public français par vocation, comme l'idée en est parfois évoquée. L'absence d'agilité d'une telle approche contraste avec les évolutions de l'univers numérique. La faisabilité d'une interopérabilité des différentes offres du service public pourrait, en revanche, être étudiée.
La culture Data
Pour comprendre les nouveaux langages pratiqués par chaque réseau social, la maîtrise des data ou données qui fournissent des indications clés en temps réel est primordiale tant pour les rédactions numériques que "broadcast" (ces dernières nourrissent aussi le numérique à la fois en linéaire et en fournissant des contenus délinéarisés complémentaires des contenus natifs). FMM s'est déjà doté d'un pôle data qui a permis une réelle avancée de la culture data au sein des rédactions de langues de RFI avec des résultats impressionnants (entre 2017 - date de création du pôle data - et 2021, les audiences numériques des rédactions en langues étrangères de RFI ont été multipliées par 3). Il faut en élargir le périmètre d'action afin d'en faire bénéficier toutes les rédactions. Il serait nécessaire aussi de se doter d'un outil structuré de veille sur le numérique pour mieux anticiper les mouvements de fond et y réagir plus rapidement. Mieux connaître nos publics sur les réseaux sociaux nécessiterait aussi de renforcer notre capacité d'étude dans ce domaine, notamment pour géolocaliser la provenance de nos audiences sur les différentes plateformes sociales et aussi pour développer des indicateurs qualitatifs d'audience numérique, ce qui est impossible à réaliser aujourd'hui à effectifs constants.
Les formats
En termes de formats, après le développement de la vidéo mobile, qui doit se poursuivre tant elle rencontre de succès, notre groupe doit capitaliser sur son énorme potentiel pour produire des podcasts. Ce nouveau chantier est déjà lancé avec succès (à l'image du podcast "La France, mon bled", signé RFI à l'occasion des 60 ans de l'indépendance de l'Algérie, qui est sélectionné en compétition officielle "documentaire" du Paris Podcast Festival 2022) et doit monter en puissance rapidement. Il a déjà donné lieu à une réflexion interne approfondie et à la création d'une cellule podcast au ceur de RFI, qui a aussi vocation à élargir nos logiques d'utilisation, de production et de diffusion du format à l'échelle de tous les médias du groupe (MCD et France 24) voire au-delà (avec Radio France, les MFP).
L'innovation
Enfin, les axes d'innovation numérique, comme les projets pilotes mis en euvre, doivent en quelque sorte passer à une phase d'industrialisation à l'échelle du groupe. Le champ de l'innovation technologique et éditoriale doit intégrer les solutions d'intelligence artificielle : transcription et traduction automatisée sous contrôle journalistique déjà testée actuellement en russe et ukrainien ; optimisation des moyens de production avec la virtualisation et l'utilisation du "cloud" ; développement du sourçage ("sourcing") sur les réseaux sociaux pour déceler les tendances plus rapidement. Ces nouvelles frontières ouvertes par l'IA ont été explorées avec France Télévisions dont les moyens sont beaucoup plus importants que ceux de FMM dans ce domaine. La mutualisation des recherches et expérimentations est une piste prometteuse de coopération au sein du secteur public. Avec Radio France, des expériences sur la navigation à l'intérieur des podcasts vont également être mises en chantier.
La stratégie numérique du groupe est donc un axe majeur de son développement à venir. Elle traduit dans cet univers la mission internationale d'information plurilingue du groupe qui ne peut être assujettie à une seule approche nationale francophone. En revanche, la participation aux offres du service public audiovisuel pour y apporter une dimension internationale (Franceinfo, Culture', Lumni mais aussi les plateformes de Radio France et TV5Monde), la recherche et le développement notamment dans le domaine des perspectives offertes par l'IA, l'analyse des possibilités d'interopérabilité des offres du service public audiovisuel français sont autant de pistes de synergies et coopérations à développer.
Les outils légaux européens à saisir
France Médias Monde doit également continuer à se saisir de toutes les opportunités ouvertes au niveau européen en matière de régulation des espaces numériques. C'est le cas notamment avec les prochaines entrées en vigueur du "Digital Market Act" et du "Digital Services Act", qui constituent autant d'outils légaux supplémentaires pour contribuer à la protection de la présence de nos médias sur le numérique avec le renforcement des obligations de transparence sur les algorithmes des grandes plateformes, mais aussi des dispositions pour lutter contre la haine en ligne, enjeu primordial face auquel nos journalistes sont en première ligne. La directive SMA, révisée en 2018, transposée en droit français en 2020, et actuellement en cours de déploiement avec le concours de l'ARCOM, est aussi une opportunité pour les médias de FMM de renforcer leur "découvrabilité" sur les plateformes et interfaces-utilisateurs en France (et en particulier la visibilité de nos offres en langues étrangères). Enfin, la directive sur le droit d'auteur et les droits voisins, dont l'application est en cours en France, constitue aussi un moyen pour FMM de diversifier ses ressources propres avec la rétribution des contenus de ses médias par les géants du numérique.
Cette stratégie d'accessibilité mondiale tant "broadcast" que numérique de nos médias s'accompagne d'une recherche de proximité avec nos publics. (...)
2.4 Une présence mondiale régionalisée : les zones de développement
Dans les zones qualifiées de zones de développement (Amériques, Asie), l'objectif est d'accroître notre présence.
Les Amériques
C'est ainsi qu'en Amérique latine, FMM a créé une chaîne de télévision en espagnol, la 3e langue la plus parlée dans le monde, en s'appuyant sur une coopération renforcée avec RFI en espagnol dont les résultats d'audience (12 millions d'auditeurs à travers son remarquable réseau de radios partenaires) illustrent bien la francophilie de cette région du monde. Désormais passée à 24 heures de diffusion quotidienne, France 24 en espagnol a su assoir sa présence dans la région et se classe dans le top 5 des chaînes internationales d'information les plus regardées. Cette action doit évidemment se poursuivre afin d'élargir notre audience tant télévisuelle, que radiophonique et numérique. La recherche de financements publicitaires en espagnol est conditionnée par cette montée en puissance. En outre, de nombreuses entreprises françaises développent leur activité en Amérique latine. Enfin, dans cette zone qui a beaucoup de points communs avec l'Europe et qui est très francophile, il semble pertinent d'être présent en cette période instable en termes géostratégiques. Il est à noter que l'offre numérique en brésilien de RFI rencontre aussi un vif succès, tout particulièrement depuis l'accession au pouvoir du président sortant.
Toujours dans les Amériques, il est dommage de ne pouvoir être davantage présents aux Etats-Unis alors que les fondements démocratiques de la 1ère puissance mondiale ont pu être ébranlés récemment (attaque du Capitole en janvier 2021). France 24 y rencontre un réel intérêt (2ème pays contributeur de trafic sur les environnements numériques de FMM ; diffusion en clair gratuite de France 24 en anglais pendant la pandémie à l'initiative de câblo-opérateurs américains) mais les coûts du câble et du satellite y sont incompatibles avec la trajectoire financière actuelle du groupe. Pour l'instant et malgré les contraintes budgétaires, FMM s'est mobilisé pour conserver une présence "broadcast" de France 24 dans quelques villes (notamment à San Francisco et Philadelphie) et voit son audience croître avec la montée en puissance des OTT qui ont l'avantage de lui permettre d'être présente dans toutes ses langues, en particulier l'espagnol en plus de l'anglais. Les évolutions socio-politiques de la société américaine doivent être suivies de près dans les prochains mois afin, le cas échéant, d'envisager une amplification de notre présence.
L'Asie
Il semble aussi indispensable d'être accessibles dans les grands pays émergents asiatiques où le succès de France 24 ne se dément pas, tout particulièrement en Inde. En outre, le développement des outils de sous-titrage automatique grâce à l'intelligence artificielle et l'amélioration de leur efficacité, notamment à partir de l'anglais qui est la langue de France 24 diffusée en Inde, pourrait permettre à terme d'offrir à destination du pays des contenus sous-titrés en hindi et y renforcer encore l'audience de France 24 auprès de plusieurs centaines de millions de locuteurs non anglophones ou parlant imparfaitement l'anglais. Au-delà de l'Inde, la plupart des contrats de diffusion en Asie étant gratuits, il est d'autant plus pertinent d'en profiter pour y renforcer notre présence. De même, en Asie centrale, suivre la situation en Afghanistan où nos médias étaient parmi les très rares présents au moment de la chute de Kaboul, et ne pas abandonner les femmes afghanes à leur sort en continuant à offrir des contenus en dari et pachtoune grâce à InfoMigrants ou en persan grâce à la rédaction de RFI, fait partie des objectifs que le groupe se donne. Si elle est utile en Afghanistan, la rédaction en persan de RFI, accessible en Iran actuellement (via Instagram et Telegram, et de manière plus instable sur le site et les autres plateformes), couvre évidemment de près les événements qui font suite à la mort de Masha Amini et permet à l'ensemble du groupe d'avoir des retours du terrain.
Pour mémoire, la Chine a refusé, à 7 reprises au cours des 10 dernières années, de reprendre France 24 dans le bouquet des chaînes étrangères contrôlé par les autorités chinoises. RFI rencontre un réel succès sur son site en chinois traditionnel et simplifié notamment grâce aux VPN (6 millions de visites mensuelles). Les offres numériques de RFI en vietnamien et khmer rencontrent une audience qui se développe.
(...)
2.7 La France
La France, n'est ni une zone de développement de FMM ni une zone prioritaire. Mais elle est aussi une terre de diffusion de nos médias qui y remplissent une mission prévue par leur cahier des charges, s'adresser aux étrangers séjournant en France dans les langues du groupe, mais ils sont aussi un véritable atout pour apporter aux Français une ouverture sur le monde. Au-delà, nos médias par leur culture internationale peuvent contribuer au "vivre ensemble" dans notre pays. France 24 est ainsi présente en français, anglais et arabe sur le câble, le satellite, l'IPTV dans l'Hexagone et en français essentiellement dans les Outre-mer. A travers Franceinfo dont elle fournit environ le tiers des programmes, elle est également présente sur tout le territoire national sur la TNT. Orange propose également depuis ce mois d'octobre l'antenne en espagnol de France 24.
RFI dispose d'une fréquence FM historique à Paris, ainsi qu'en Guyane, et elle est par ailleurs très présente dans toutes les Outre-mer au travers d'un partenariat avec les Premières. En outre, comme MCD, elle a développé sa diffusion en DAB+ (Lille, Lyon, Strasbourg, Bordeaux, Toulouse et Marseille où MCD est aussi présente de même qu'à Paris) suite aux préemptions du gouvernement auprès de l'Arcom.
Il serait utile de disposer d'une diffusion en DAB+ de certaines des langues étrangères de RFI (on pense au chinois, au vietnamien, au khmer, et aux langues africaines notamment) en fonction des bassins d'audience sur le territoire français. Le renforcement de la présence de RFI dans d'autres villes Françaises pour répondre aux attentes des Français désireux d'en savoir plus sur le monde et l'Europe reste un sujet d'intérêt pour la radio. (...)
3.1 Changer d'échelle
Redimensionner les services supports
Depuis 10 ans, FMM a complètement changé d'échelle : doublement de la distribution de France 24 mais aussi doublement du réseau de radios partenaires de RFI et MCD, multiplication par deux de ses audiences TV et radio depuis 2012 et croissance de plus de 150 % de son empreinte numérique sur les 4 dernières années. Ces résultats sont le fruit d'une stratégie qui a mis l'accent sur la montée en puissance des offres éditoriales reconnues pour leur qualité et leur réactivité, le développement des langues étrangères, des contenus numériques adaptés à tous les usages, le développement d'offres thématiques 100 % numériques. Le tout alors que la trajectoire financière de FMM était baissière depuis 2018. Cela a impliqué de très gros efforts d'économie et de redéploiements. Aujourd'hui, les moyens et l'organisation du groupe doivent être redimensionnés au regard de la montée en puissance de ses offres et performances.
Un renforcement des services supports, en particulier de la direction des ressources humaines (dans un groupe dont la réussite repose sur la production interne de contenus et les savoir-faire des collaborateurs, son rôle est encore plus central), de la direction technique (dont la tâche ne cesse de croître avec la cyber- sécurité, l'importance des systèmes-réseau, l'innovation, et la virtualisation des moyens de production) et du service RSE (urgence et complexité des enjeux environnementaux notamment) est indispensable. L'effort de formation doit s'accroître notamment pour les compétences métiers. De même, la stratégie numérique du groupe est entravée, on l'a vu, par ses contraintes d'effectifs. L'inflation ajoute à l'urgente nécessité d'un rebasage des moyens financiers et humains d'un groupe en première ligne sur la scène internationale, confronté de surcroît à une concurrence aux moyens beaucoup plus importants.
L'organisation de France 24
Cette remise à niveau doit s'accompagner d'une consolidation de l'organisation de France 24 qui, en 16 ans, est passée du statut de "start-up" du paysage télévisuel mondial à celui de grande chaîne de référence en 4 langues 24h/24. A la suite du mouvement social de l'automne dernier, un travail de refonte des cycles de planification pour les simplifier, davantage tenir compte de leur pénibilité, stabiliser les équipes, intégrer des pigistes et donner plus d'espace de préparation et de retours aux journalistes confrontés à l'urgence de l'information en continue, est en cours, en interaction avec les équipes et leurs représentants. Il s'accompagne d'un projet d'accord en cours de construction sur les parcours professionnels et compétences complémentaires, et d'une première vague d'intégration de pigistes en 2022. L'installation de l'outil OpenMédia actuellement en cours à France 24 devrait, en outre, fluidifier les transversalités entre les médias du groupe qui seront tous désormais équipés du même outil de production et de fabrication de contenus. Ces évolutions d'outil et d'organisation s'accompagneront d'un nouvel habillage de France 24 et d'adaptations de grilles tenant compte de nos contraintes budgétaires.
De façon plus générale, une entreprise est un corps vivant dont l'organisation continuera à s'adapter en fonction des évolutions de métiers et de contexte.
Les correspondants
Les correspondants et sociétés de production contribuent activement à la qualité éditoriale et à la dimension internationale du groupe. L'accord signé en juin dernier a permis de doter le réseau de correspondants d'un fonds de participation de FMM à leur couverture santé retraite. Les accords qui lient FMM aux sociétés de production des correspondants de France 24 ont été réactualisés sur le plan tarifaire et clarifiés en matière de minima garantis. Pour les uns comme pour les autres, il a été pris en compte tant l'inflation que l'effet de change dans les zones dollars. (...)
3.3 "Jouer collectif" (...)
3.3.2 Entre médias du groupe
Entre les chaînes du groupe, il s'agit de renforcer les transversalités dans le respect des identités.
Au sein de chaque média, d'abord, les échanges de contenus et les adaptations linguistiques entre le français et les langues étrangères vont se développer, sous le contrôle des journalistes, grâce à la transcription automatisée permise par l'IA. Le décloisonnement "broadcast"/numérique doit se poursuivre en termes de fonctionnement de chaque média et sera facilité par la généralisation dans les rédactions de l'outil OpenMédia (outil de production et de fabrication des contenus).
Entre médias, ensuite, l'utilisation des images de France 24 par les rédactions de langues de RFI ou MCD va pouvoir monter en puissance avec une fluidité plus grande également grâce à l'installation d'OpenMédia et à la transcription-traduction automatique sous le contrôle des journalistes, grâce à l'IA.
Ainsi, à l'échelle collective du groupe, l'harmonisation des outils de production et de fabrication permise par la généralisation d'OpenMédia va entraîner une plus grande opérabilité entre les différents médias. Chaque média pourra avoir accès aux images, sons, articles dans toutes les langues fluidifiant les échanges au service d'une production enrichie de contenus.
Parallèlement les émissions bi-média dans les langues communes, les interventions croisées, les missions et opérations spéciales communes, la polyvalence des techniciens son en vidéo, le travail commun d'apport en contenus de tout le groupe pour nourrir les offres numériques thématiques d'Entr ou InfoMigrants vont continuer à se développer "mécaniquement" par la maîtrise croissante qu'ont les équipes de leur groupe, des savoir-faire des uns et des autres et les initiatives que cela suscite.
3.3.3 Avec les autres sociétés du service public français
Le secteur public audiovisuel a développé beaucoup de projets communs au cours des dernières années. Toutefois, il est important de rappeler que tout raisonnement assimilant FMM à un média exclusivement ou essentiellement francophone méconnaît l'essence même de l'activité du groupe : le plurilinguisme qui représente une nette majorité de ses audiences. Cette donnée doit être prise en compte dans toute réflexion sur les réformes de structures.
De même, tout raisonnement assimilant la BBC dont la langue nationale de diffusion, l'anglais, est aussi la principale langue des médias internationaux, et FMM, en proposant par exemple de fusionner Franceinfo et France 24 en français, se heurte à de nombreux obstacles de marque (Franceinfo est connue en France, France 24 est une référence internationale) et d'organisation : BBC World News n'a jamais été rattachée au même service que les chaînes télé internationales en arabe et persan de la BBC qui font partie du BBC World Service (rassemblant également les offres radios et numériques y compris vidéos). L'antenne en français de France 24 est au contraire le ceur du réacteur des autres antennes linguistiques de la chaîne avec lesquelles elle fonctionne en symbiose étroite, ce qui garantit la cohérence et l'édifice de la chaîne France 24 toute entière. En outre, France 24 en vertu de son cahier des charges et de sa mission de couverture de l'actualité internationale, ne peut consacrer plus de 20 % de ses contenus d'information à l'actualité nationale qu'elle reprend d'ores et déjà des productions info de France Télévisions, en les recontextualisant pour un public francophone non français et en les traduisant dans les langues de ses différentes antennes. Inversement, Franceinfo est déjà largement approvisionnée par France 24 en français pour ses contenus internationaux (près du tiers de la programmation de Franceinfo). Quelle synergie supplémentaire pourrait-on attendre d'un rapprochement d'entités produisant des contenus différents et déjà mutualisés ? Le choix d'organisation de la France n'est pas moins légitime que celui fait de l'autre côté de la Manche et il a le mérite d'être déjà en place et de fonctionner alors que les urgences internationales se multiplient.
C'est pourquoi le présent projet préconise de poursuivre et développer avec nos confrères de l'audiovisuel public les projets éditoriaux déjà en cours soit à l'échelle du secteur entier (Franceinfo, Culture', Lumni : cf 2.2 le numérique un vecteur sans frontières), soit en binômes :
Journal des Outre-mer avec France Télévisions et liens étroits avec les Premières ;
Alimentation en podcasts des plateformes de Radio France - élargi à France 24 - et TV5Monde plus ;
Coproduction de grands reportages avec Arte et offres numériques croisées en espagnol - à élargir à l'anglais ;
Formations sécurité avec l'INA.
Et en parallèle, il serait intéressant de renforcer les mutualisations ou coopérations moins visibles mais pleines d'intérêt : en matière de recherche et développement, d'interopérabilité des offres numériques, de cybersécurité, d'alignement des équipements techniques, de coordination des politiques RH, d'études de nos publics et audiences, de groupement des achats. Ces coopérations sont d'ores et déjà gérées par des comités ad hoc réunissant régulièrement les responsables professionnels des différentes entités. Emanant des opérationnels, ils traitent de besoins ressentis par les équipes, ce qui est un gage d'efficacité. L'ensemble de ces activités relevant d'un même actionnaire, l'Etat, il ne paraît pas nécessaire d'alourdir leur fonctionnement par une formalisation juridique quelconque, ni par une superstructure nécessairement coûteuse de type holding. Le coût du secteur public audiovisuel français, les efforts d'économies qu'il a accomplis en font d'ores et déjà un des plus performants d'Europe. En revanche, la création d'un comité de coordination mensuelle au niveau des dirigeants des sociétés publiques pourrait utilement compléter les groupes de travail métiers. Il serait très utile aussi de mieux valoriser et estimer ces nombreuses coopérations au sein du service public audiovisuel qui sont méconnues alors qu'elles sont très structurantes.
Car tout ceci fonctionne et produit déjà des résultats très performants. Notre propre modèle peut évidemment continuer à s'améliorer, comme nous n'avons cessé de le faire ces dernières années, sans pour autant le déstabiliser.
3.3.4 Avec les autres médias internationaux partageant nos valeurs
Il faut distinguer deux types de coopérations : les échanges d'informations et mutualisations de bonnes pratiques ; les coopérations opérationnelles.
Dans la première famille de relations avec nos confrères, outre l'UER, l'AIBD, l'ASBU, l'ABU, l'AIB, la Copeam ou le Cirtef, se classe le DG8 que je préside depuis 2020 et jusqu'en fin d'année. Il draine plusieurs commissions en matière d'études, de sécurité satellitaire ou cybersécurité et permet une fois par an des discussions approfondies entre leurs dirigeants, sur les stratégies mises en place par USA Global Média, BBC World Service, DW, NHK-World (Japon), Radio-Canada, ABC (Australie), SRG SSR (Suisse) et FMM sur la sécurité des équipes sur le terrain, le numérique, les modalités de financement, l'égalité des femmes et des hommes, ou sur la dernière période, la protection des équipes contre la pandémie. Le caractère informel de cette organisation est un point fondamental auquel tous ses membres sont très attachés. La liberté de parole qui y règne est à cette condition.
Dans la famille des coopérations opérationnelles se rangent en premier lieu Les Médias Francophones Publics (LMFP) qui donnent lieu, comme le DG8, à des réunions de dirigeants telles que décrites précédemment. Des commissions structurées permettent des échanges réguliers entre professionnels. Mais, en outre, des productions récurrentes, en particulier radios/podcast sont réalisées (par exemple "Washington d'ici", réalisé pendant la campagne présidentielle américaine avec les correspondants de toutes les radios francophones aux Etats-Unis, qui a été multi-primé). Ces coproductions et opérations spéciales, facilitées voire rendues possibles par une langue commune, sont de grande qualité et très appréciées des équipes.
Les enjeux environnementaux pourraient utilement inspirer de nouvelles initiatives, à l'image du podcast "La Terre sur les épaules" en cours de production et dans lequel RFI prend toute sa place aux côtés de ses collègues francophones.
Le partenariat bilatéral avec Deutsche Welle, l'autre média international implanté dans l'Union Européenne, est le plus poussé et a donné lieu à deux réalisations communes : InfoMigrants à partir de 2017 et Entr à partir de 2021. Ces deux offres numériques thématiques destinées aux réseaux sociaux n'ont cessé de s'enrichir en contenus et en nombre de langues avec le soutien jusqu'ici renouvelé de l'Union Européenne. Ces projets ont vocation à se poursuivre et à s'élargir pour Entr à de nouvelles langues. De même, les opérations spéciales conjointes à des moments forts de la vie de l'un ou l'autre de nos pays et des correspondances ou couvertures croisées d'événements continueront à suivre leur cours. France 24 fournit, en outre, certains de ses reportages à la chaîne YouTube en turc "+90" de DW, aux côtés de BBCWS et de USAGB. (...)
3.4 Pour un financement de service public affecté, pérenne et dynamique
La question du financement de l'entreprise est double : celle de la nature du financement et celle de sa trajectoire.
Comme cela a déjà été développé en première partie, au moment où l'on doit plus que jamais lutter contre les fausses informations, disposer d'une information indépendante et de qualité et développer l'éducation aux médias, il est aussi indispensable que le service public audiovisuel dispose d'une sécurisation de son financement au-delà de 2023. La France se situe au 14e rang européen si l'on ramène le montant total de son financement au nombre d'habitants. L'ensemble du service public a réalisé des efforts très significatifs au cours des dernières années. L'inflation ajoute une charge supplémentaire conséquente tout particulièrement quand de nombreuses dépenses sont libellées en dollars compte tenu de l'évolution défavorable du taux de change avec l'euro. Si le budget 2023 permet de passer un premier cap pour FMM en garantissant une recette affectée et en tenant compte de l'inflation et des conséquences fiscales de la suppression de la CAP, la question reste ouverte pour 2024 et plus encore pour 2025 à la fin du dispositif transitoire arrêté en juillet dernier et qui permet pour deux ans encore de disposer d'une recette affectée sans laquelle les conséquences décrites en première partie de ce document en termes d'action audiovisuelle extérieure, ne sont pas théoriques mais pratiques.
C'est pourquoi le nouveau système qui sera arrêté pour financer le secteur public audiovisuel (le plus vite possible) doit permettre de garantir une ressource affectée, pérenne et dynamique.
S'agissant de FMM, il est évident qu'une partie de son activité relève de ce qui est qualifié d'Aide Publique au Développement (APD). 20 M~ des dépenses de FMM sont d'ailleurs comptabilisés à ce titre dans le calcul de l'APD française. Si cette somme était attribuée directement en ressources relevant de l'APD à FMM en plus de son actuel budget, l'essentiel des développements évoqués dans le présent projet (notamment les pôles régionaux) seraient couvertes. Pour mémoire, BBCWS est attributaire de 85 M£ d'APD. Une telle mesure serait de nature à alléger la pression sur l'enveloppe attribuée à l'audiovisuel public via les nouvelles modalités de son financement. Parallèlement, il est impératif pour FMM de conserver son financement affecté garantissant son indépendance et donc sa crédibilité à l'échelle internationale, tout comme il est indispensable de lui garantir un financement d'autant plus dynamique qu'il faut couvrir des glissements contractuels inéluctables que l'inflation impacte de plein fouet (masse salariale, c'est à dire dépenses de programmes à FMM, et accords notamment de distribution en dollars). L'enveloppe accordée par l'Etat en 2023, hors compensation de l'impact fiscal de la suppression de la redevance (soit une enveloppe d'environ 8 M~ y compris le financement de l'inflation) constitue un repère pour estimer les glissements annuels à couvrir pendant la durée du prochain COM, sous réserve des éventuelles évolutions à la baisse de l'inflation : hors inflation les besoins pourraient être ramenés à 4 M~ par an sur 5 ans. Cette double trajectoire APD-ressource affectée sera en discussion avec l'Etat actionnaire dans le cadre de la préparation du prochain COM de FMM.
3.5 "Aide-toi le ciel t'aidera !"
3.5.1 Accroître les ressources propres
La plupart des groupes publics audiovisuels internationaux sont financés sur ressources publiques tant il est vrai que le marché publicitaire international ou celui de la distribution payante ne permettent pas de financer une présence mondiale plurilingue couvrant l'actualité internationale en continu. Il est inutile de répéter ici les comparaisons de moyens avec nos compétiteurs énoncées en première partie de projet. Elles montrent que les Etats qui se sont dotés de médias internationaux leur accordent des moyens conséquents et qu'en dépit de ressources plus faibles, FMM est d'un rapport coût/impact très efficient.
Toutefois, nos efforts de gestion ne pourront nous exonérer du rebasage financier décrit précédemment et de financements supplémentaires pour les projets de développement.
Pour autant, ces efforts vont se poursuivre.
Il s'agit en premier lieu d'accroître nos ressources propres. Sur les 5 dernières années, leur part est déjà passée de 3,3 % à 5,1 % dans le total des ressources du groupe.
Le marché publicitaire international est morcelé, dominé par les diffuseurs anglo-saxons, réglementé (fort légitimement) pour les médias d'information soumis à la législation française mais aussi par les évolutions réglementaires africaines (limitation des décrochages publicitaires locaux) et déséquilibré en faveur des grands acteurs du numérique. Malgré cela et en dépit d'un contexte général encore impacté par la pandémie, le nouvel appel d'offres en cours de finalisation avec la régie publicitaire de France Télévisions, alliée à Canal+ Advertising, devrait permettre une augmentation mesurée de nos revenus publicitaires dans les prochaines années. En outre, la publicité numérique sur les réseaux sociaux, gérée essentiellement par nos équipes, est un axe prometteur compte tenu de nos performances : elle a quasiment doublé au cours des 5 dernières années.
La possibilité pour RFI d'être alignée sur le régime dont Radio France bénéficie depuis plusieurs années pour la publicité de marques en France, permettrait également de développer le chiffre d'affaires de FMM.
D'autres développements (décrochages locaux en télé), négociations (droits voisins), ou nouveaux formats publicitaires numériques (articles parrainés, format Fast - Free Ad Supported Television) sont à l'étude ou mis en euvre afin de permettre une évolution positive des ressources publicitaires de FMM. La limite de l'exercice est évidemment la déontologie et la primauté de notre crédibilité sur nos recettes publicitaires.
En outre, la recherche de financements externes (subventions européennes, projets AFD) et de leur reconduction se poursuit. Toutefois, ces financements à durée déterminée créent une incertitude quant à la pérennité des actions qu'ils financent. C'est pourquoi la société plaide pour que les actions relevant de l'APD soient financées directement sur son budget.
3.5.2 Mobiliser les gisements d'économie résiduels ?
Les perspectives d'économies du groupe sont désormais très limitées. Après 3 plans de départs volontaires (2009, 2012 et 2021) et des départs ciblés non remplacés depuis de nombreuses années, la réduction du coût des réseaux de distribution (tout en maintenant leur croissance), la renégociation systématique de tous les grands contrats (baux immobiliers, prestation de production TV...), la mutualisation des appels d'offres d'achats publics avec les autres sociétés du secteur public et des efforts continus de baisse des coûts de fonctionnement, et alors que certains coûts (électricité notamment) sont largement impactés par l'inflation, les marges de maneuvre sont quasiment inexistantes.
Pour autant l'entreprise poursuivra sa politique de gestion rigoureuse en appliquant les recommandations de gestion de la Cour des Comptes.
Un nouveau SIRH, commun à Radio France et France Télévisions, devrait être mis en place en 2024 et favoriser un meilleur "reporting" sur les informations RH. Les règles de consultation du contrôle général économique et financier sont désormais formalisées en matière de consultation sur les rémunérations. La politique de mise en conformité des achats permet aujourd'hui de sécuriser quasiment 100 % des marchés et le comité d'Audit, réuni régulièrement, sera informé en détail du suivi de ces recommandations et en informera le conseil d'administration. (...)".